La température ambiante, en particulier la chaleur, est de plus en plus reconnue comme un déclencheur d'accouchement prématuré. Une équipe de l’Institut pour l’Avancée des Biosciences à Grenoble (CNRS, Inserm, Université Grenoble Alpes), s’est intéressée de plus près à ce phénomène. Ces travaux, coordonnés par le Dr Johanna Lepeule, chercheuse à l’Inserm, mettent en lumière un risque accru de prématurité en lien avec une exposition de la mère à la chaleur (nocturne notamment) en début et en milieu de grossesse. Cette découverte, publiée dans la revue « International Journal of Epidemiology », a une résonnance toute particulière à l’heure du réchauffement climatique et de la hausse des températures.

La naissance prématurée (accouchement à moins de 37 semaines d'aménorrhée) est aujourd’hui la principale cause de mortalité des enfants de moins de 5 ans dans le monde. Naître trop tôt augmente également le risque d’effets néfastes sur la santé tout au long de l’enfance et à l’âge adulte. À l'échelle mondiale, environ 11 % des naissances sont prématurées, et le taux est en augmentation dans de nombreux pays. En France par exemple, le taux de naissances prématurées est passé de 5,4 % en 1995 à environ 7 % depuis 2016. Si les moteurs de ces tendances restent flous, l'exposition à des températures extrêmes est montrée du doigt comme étant l’un des facteurs pouvant y contribuer.

Nous savons par exemple aujourd’hui, suite à diverses publications scientifiques, que les températures élevées ont un impact sur la santé et sont associées à la mortalité. Mais qu’en est-il de l’impact sur le développement du fœtus pendant la grossesse et du risque d’accouchement prématuré ? La majeure partie des travaux réalisés jusque-là suggèrent un risque accru de prématurité lié à l’exposition de la mère à la chaleur ambiante dans les quelques jours qui précédaient l’accouchement.  Les travaux menés par Johanna Lepeule et ses collaborateurs au sein de l’équipe EDES (« Épidémiologie environnementale appliquée au développement et à la santé respiratoire »), dirigée par Rémy Slama et Valérie Siroux à l’Institut pour l’Avancée des Biosciences, viennent assoir ces signaux et apportent des résultats novateurs sur ce risque.                

L’objectif des chercheurs a été d'évaluer les effets liés à la chaleur et au froid, tout au long de la grossesse sur le risque d'accouchement prématuré. Pour cela ils ont estimé précisément la température hebdomadaire tout au long de la grossesse à l'aide de méthodes de pointe pour 5 347 naissances issues de trois cohortes mère-enfant : EDEN (Nancy et Poitiers), PELAGIE (Bretagne), et SEPAGES (Grenoble). La température a par ailleurs été examinée sous plusieurs angles : température moyenne, température nocturne et diurne, variabilité de la température et canicules.              

Si les résultats obtenus ne font état d’aucune association claire avec la variabilité de la température ou les indicateurs de canicule, ils démontrent cependant que la chaleur nocturne était nocive pendant les 5 premières semaines après la conception ainsi que le 6e mois de grossesse, et qu’elle augmentait le risque d'accouchement prématuré.

Périodes de vulnérabilité à la chaleur et au froid pendant la grossesse.

Le froid s’est aussi révélé être un facteur augmentant ce risque. Les chercheurs ont en effet découvert que l’exposition à des températures basses entre le milieu du premier trimestre et le second trimestre, ainsi que pendant la semaine qui précède l’accouchement, peut accroitre le risque d’accouchement prématuré.

« Ces résultats indiquent que la chaleur et le froid pourraient jouer un rôle précocement au cours de la grossesse sur le risque de prématurité. La prochaine étape de nos recherches sera d’en comprendre les mécanismes qui sont à l’heure actuelle encore méconnus. », déclare Johanna Lepeule, chercheuse à l’Inserm, coordinatrice de ce programme de recherche.

« Dans le contexte d’augmentation des températures et de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes que nous connaissons, les résultats de cette publication devraient éclairer les politiques de santé publique pour réduire le fardeau des naissances prématurées », souligne Pierre Hainaut, Directeur de l’IAB, Professeur des Université et Praticien Hospitalier au CHU Grenoble Alpes.


Early delivery following chronic and acute ambient temperature exposure: a comprehensive survival approach
Ian Hough, Matthieu Rolland, Ariane Guilbert, Emie Seyve, Barbara Heude, Rémy Slama, Sarah Lyon-Caen, Isabelle Pin, Cécile Chevrier, Itai Kloog, Johanna Lepeule

Lien vers l'article : https://doi.org/10.1093/ije/dyac190